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LES CHAUSSURES


Nous attendons. Là, sur le trottoir. Vous nous voyez. Ça fait un petit moment qu’il nous a laissées au bord du trottoir. Sans doute pour ne pas gêner les autres piétons. Nous a laissées là. Nous, fines chaussures italiennes en cuir de daim. Nous sommes pourtant encore en bon état. Les semelles légèrement usées. Les talons aussi. Il nous a toujours bien traitées, Monsieur. Cirées deux fois par semaine! N’avait pas les pieds qui transpirent. Oh quelle horreur ce serait! Mes collègues m’en ont parlé. Qu’est-ce qu’elles ont dû supporter comme torture! Rien de tel dans notre cas. Dieu merci! Un monsieur comme il faut, élégant, sensible, correct, quoi. Rarement pressé. Ça peut faire mal, quand quelqu’un est vraiment pressé. Et en plus, ça diminue l’espérance de vie. Ce qui nous ramène à notre sujet d’actualité : Qu’est-ce qu’on fait là toutes seules ? Le ciel s’est couvert. S’il commençait à pleuvoir, pas agréable. D’habitude, quand il pleuvait, Monsieur rentrait vite chez lui, il n’aimait pas la pluie. Puis, nous avions le temps de sécher. Parfois, il nous bourrait de vieux papier journal, ça faisait drôlement du bien. Si seulement nous avions des compagnes, de ces jolies collègues à talons hauts. On aime bien. Il y en a de toutes les couleurs, de toutes les pointures, de matériaux très différents. Chouettes, elles sont! Et si en plus les demoiselles qui les portent sont du genre qui fait rêver! Mon Dieu, Monsieur en raffolait, s’arrêtait souvent près de l’une d’elles pour causer un petit moment et elles aimaient bouger, c’est comme si elles dansotaient un peu! Ah, ces beaux moments dans la vie d’une paire de chaussures! Mais quoi, finies les rêveries, nous sommes toujours seules, et pour combien de temps encore?

Tiens, un monsieur qui passe, qui s’arrête, qui nous regarde… Il fronce les sourcils, il n’a sûrement jamais vu de belles chaussures comme nous toutes seules sur un trottoir. Tiens, il a l’air vraiment intéressé! Il se penche sur nous, nous regarde de près… Et s’il nous prenait? Il a l’air bien, ce jeune monsieur, il n’a pas l’air trop aisé, vu les vêtements qu’il porte. Ce serait drôlement bien, on en a marre d’être là toutes seules. Tiens, il enlève ses chaussures, il veut nous essayer!

Des pieds fins, des chaussettes correctes – ça nous plairait bien, oh mon Dieu, il nous chausse vraiment, il nous essaye, il fait quelques pas. Eh oui, il sort un sac en plastique, y fourre ses vieilles godasses, nous regarde de haut en bas ou plutôt de long en large, regarde autour de lui – pourquoi donc, il n’y a pas de mal à prendre une paire de chaussures laissée toute seule …

Mais que voyons-nous là – la plus belle paire de chaussures à talons hauts qu’on ait jamais vue s’approche de nous, et quelle demoiselle exquise! Quel moment de bonheur!

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CERISES


De la terrasse ensoleillée, là où il fait toujours bon et chaud, de ce domaine où je me sens toujours protégé par l’unique femme que j’ai connue jusqu’ici, je descends, je traverse pieds nus le pré aux herbes hautes comme ma taille et qui sentent bon l’été. Le pré descend jusqu’au muret qui sépare le pré de l’orée de la forêt. J‘arrive au vieux cerisier qui étend ses branches au-delà des pierres sèches un peu dans le désordre. Elle est là devant le muret, elle m’attend comme convenu la veille au soir …

Elle a mis sa petite robe blanche, celle que j’aime tant, elle s’est fait des tresses fines de ses cheveux châtains avec au bout des papillons en tissu rouge et jaune, et elle a même mis un peu de rouge à lèvre qu’elle a sans doute emprunté à sa mère. Elle est là, et je l’ai vue de loin, d’abord une tâche blanche, puis ses bras et ses jambes frêles, ensuite son visage radieux et tendre et son sourire qui semble me dire: Je suis là, pour toi, je n’attends que toi.J’arrive au muret avec ses pierres chauffées par le soleil d’été, derrière la barrière des pierres commence le domaine de l‘ombre et de la fraîcheur, mais elle touche mon épaule avec sa petite main chaude et nous restons comme ça pendant un long moment impregné de bonheur. Les branches lourdes de cerises descendent vers le muret, mais nous n‘arrivons pas à y accéder. Cerises d‘un été, délices de cet après-midi ensoleillé, qu’aucune ombre ne peut cacher de nos regards. Instant sucré attendu depuis si longtemps! Elle me demande de cueillir quelques-uns de ces fruits exquis dont nos palais ont gardé la saveur depuis l’été dernier. Je grimpe sur le muret comme je le peux avec mes sandalettes de garçon, chaussures dont je suis si fier. Enfin, j‘arrive au tronc du vieux cerisier et je m’apprête à monter sur l’arbre malgré l’écorce qui fait mal à mes jambes nues. Elle est là, en bas de l’arbre, le coeur qui bat, les yeux qui brillent, et elle savoure déjà le goût des cerises cueillies par ma petite main. Je suis  maintenant confortablement installé à même l’arbre et j’étends mon bras afin de pouvoir cueillir ces petites merveilles que la nature a prévues si abondamment pour nous. J’étends mon bras, je cueille une cerise, et c’est là que ça arrive, je perds mon équilibre, j’entends son cri, je tombe, mon visage arrache une pierre et j’atterris en bas du muret. Elle est là, à mes côtés, les larmes aux yeux, elle m‘aide à me relever, et elle me prend dans ses bras, me serre un petit moment, je sens la chaleur et la tendresse de son petit corps, puis, elle regarde de près mon visage, sort un mouchoir et tamponne l’endroit juste au-dessus de mon sourcil gauche d’où sort un peu de sang. Tendre geste qui me fait oublier la blessure que je me suis infligé en tombant de l’arbre.


C’est un après-midi ensoleillé, je viens de rentrer de mon travail. Je me regarde dans la glace et je vois la cicatrice tout près du sourcil gauche qui tend à disparaître au fil des années.